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Projet de loi C-228 d’initiative parlementaire : superpriorité accordée aux déficits des régimes de retraite

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Projet de loi C-228 d’initiative parlementaire : superpriorité accordée aux déficits des régimes de retraite

15 décembre 2022

Le 3 février 2022, Marilyn Gladu, députée conservatrice de Sarnia-Lambton, a présenté le projet de loi C‑228 d’initiative parlementaire qui, en l’état actuel, viendrait modifier la Loi sur la faillite et l’insolvabilité afin de créer une « superpriorité » à l’égard du déficit de capitalisation d’un régime de retraite en cas de faillite ou d’insolvabilité.

Quels sont les objectifs proposés?

L’objectif du projet de loi C-228 consiste à améliorer la protection des régimes de retraite des participants et des retraités en modifiant la Loi sur la faillite et l’insolvabilité afin d’accorder une superpriorité aux montants suivants :

  • les paiements spéciaux, établis conformément à l’article 9 du Règlement de 1985 sur les normes de prestation de pension, que l’employeur est tenu de verser à la caisse de retraite pour liquider un passif non capitalisé ou un déficit de solvabilité; et
  • tout montant requis pour liquider tout autre passif non capitalisé ou déficit de solvabilité de la caisse de retraite.

Avant le projet de loi C-228, la Loi sur la faillite et l’insolvabilité prévoyait déjà une superpriorité pour les montants impayés déduits de la rémunération des employés afin d’être versés à la caisse de retraite, ainsi que pour les sommes dues faisant partie des « coûts normaux » ou d’autres arriérés que l’employeur était tenu de verser à la caisse de retraite ou à l’administrateur dans le cadre d’une disposition à cotisations déterminées ou d’un régime de pension agréé, respectivement.

Le projet de loi C-228 viendrait donc augmenter considérablement le montant couvert par la superpriorité au moyen de cotisations qui n’ont pas encore été versées pour combler entièrement le passif non capitalisé du régime de retraite. La version actuelle des dispositions du projet de loi C-228 relatives à la superpriorité prévoient une période de mise en œuvre de quatre ans afin d’allouer suffisamment de temps de préparation aux promoteurs de régimes en vue de ces changements.

En plus des dispositions portant sur la superpriorité, la version actuelle du projet de loi C-228 modifierait la loi fédérale en matière de régimes de retraite en exigeant qu’un rapport annuel soit déposé à la Chambre des communes quant à la solvabilité des régimes de retraite.

Le projet de loi a été adopté en troisième et en dernière lecture par la Chambre des communes le 23 novembre 2022, après que les députés ont voté à l’unanimité en sa faveur. Il est actuellement examiné par le Sénat et pourrait éventuellement devenir loi.

Quelles ont été les observations des intervenants?

Même si plusieurs amendements ont été suggérés avant que le projet de loi soit adopté par la Chambre des communes, les seuls retenus ont été ceux qui prévoyaient un délai de quatre ans pour la mise en œuvre des articles portant sur la priorité accordée aux passifs non capitalisés ou aux déficits de solvabilité et ceux qui proposaient la suppression des modifications à la loi fédérale en matière de régimes de retraite afin de permettre, entre autres, le transfert d’éléments de l’actif et du passif vers un autre régime.

La Chambre des communes a voté en faveur du projet de loi à la suite de l’examen du Comité permanent des finances, après avoir écouté le point de vue de 18 intervenants agissant comme témoins et passé en revue cinq mémoires déposés par divers intervenants.

Un certain nombre d’intervenants ont appuyé l’aspect sécuritaire que le projet de loi C-228 apporterait aux régimes de retraite, notamment la Fédération Canadienne des Retraités (FCR), le Congrès du travail du Canada (CTC) et l’Association canadienne des individus retraités.

La FCR a signalé au Comité de la Chambre des communes que le même argument contre le projet de loi C-228, selon lequel ce dernier « aurait des effets négatifs importants », avait été avancé lors de l’adoption de la Loi sur le Programme de protection des salariés, qui n’a vraisemblablement produit aucun préjudice. De plus, la FCR a présenté des observations par écrit à ce même comité pour faire valoir les points suivants :

  • une période de mise en œuvre plus courte que celle de cinq ans suggérée par le projet de loi initialement présenté, car, selon la FCR, seulement un an serait suffisant; et
  • la suppression des modifications à la loi fédérale en matière de régimes de retraite afin de souscrire de l’assurance pour couvrir le passif non capitalisé d’un régime ou de passer d’un régime en difficulté à un autre régime de retraite afin qu’au fil du temps, celui-ci retrouve une situation financière saine.

Les propositions de la FCR et d’autres intervenants ont été en grande partie acceptées par la Chambre des communes, et se sont traduites par des changements relatifs à la mise en œuvre des dispositions relatives à la superpriorité, qui prendront effet après une période de quatre ans, ainsi que par la suppression des modifications à la loi fédérale en matière de régimes de retraite, permettant le transfert d’éléments de l’actif et du passif d’un régime à un autre.

En revanche, quelques intervenants, entre autres l’Association canadienne des professionnels de l’insolvabilité et de la réorganisation (ACPIR), l’Association canadienne des gestionnaires de caisses de retraite (PIAC) et l’Association canadienne des administrateurs de régimes de retraite (ACARR), ont fait part d’observations pour exprimer leurs préoccupations concernant des conséquences non souhaitées associées au projet de loi C-228, dont les suivantes :

  • Pour certains promoteurs de régimes de retraite à prestations déterminées (PD), emprunter se révélera un processus plus difficile et plus coûteux, voire impossible.
  • Un grand nombre de promoteurs de régimes PD liquideront leurs régimes, auquel cas les employeurs pourraient plutôt proposer un régime de retraite à cotisations déterminées (CD).
  • Les sociétés insolvables risquent de ne pas être en mesure de se réorganiser, étant donné qu’un financement du débiteur-exploitant peut être inaccessible, ou accessible sous des conditions très strictes ou coûteuses.
  • Voici d’autres effets éventuels à prendre en compte :
    • l’incidence sur d’autres demandeurs qui seront susceptibles de ne rien recevoir ou d’obtenir un montant inférieur à la suite des modifications apportées aux priorités en cas de faillite ou d’insolvabilité;
    • l’adoption de stratégies d’atténuation des risques dans le but de stabiliser le risque lié aux placements des régimes PD.

Priorité des régimes de retraite devant les tribunaux

La plupart des provinces canadiennes ont déjà tenté d’établir une priorité en faveur des cotisations aux régimes de retraite en adoptant des dispositions relatives à une « fiducie réputée » dans leurs lois respectives en matière de régimes de retraite et, bien qu’il y ait des variations de vocabulaire, le principe fondamental demeure le même, à savoir que certains montants revenant à un régime de retraite sont réputés former une fiducie et non pas une partie du patrimoine d’un employeur insolvable. Même si les tribunaux ont tenu compte de ces dispositions, celles-ci ont été interprétées avec une certaine réserve et probablement pas dans la pleine mesure plaidée par les participants aux régimes de retraite.

Dans l’affaire Sun Indalex Finance, LLC c. Syndicat des Métallos, la Cour suprême du Canada (CSC) a considéré les dispositions relatives à une fiducie réputée de la Loi sur les régimes de retraite de l’Ontario, L.R.O. 1990, chap. P.8. La CSC a infirmé une décision de la Cour d’appel de l’Ontario qui avait donné raison aux retraités. Même si la CSC s’est prononcée en faveur d’un débiteur-exploitant, cette décision a laissé plusieurs questions dans le flou en ce qui a trait au rôle des participants aux régimes de retraite, à la gouvernance des régimes de retraite et à l’application des fiducies réputées aux liquidations déclarées rétroactivement.

Dans l’Arrangement relatif à Bloom Lake, la Cour supérieure du Québec a estimé que les dispositions relatives à une fiducie réputée établies par la loi de Terre-Neuve-et-Labrador entraient en conflit avec la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) et a invoqué la prépondérance de la législation fédérale[1] et, par conséquent, les dispositions relatives à une fiducie réputée établies par la loi n’ont pas été appliquées dans les procédures en vertu de la LACC dans l’arrangement relatif à Bloom Lake (Wabush Mines).

Étant donné l’application déplorable des dispositions relatives à une fiducie réputée établies par la loi, les retraités continuent de plaider en faveur de modifications qui accorderaient une superpriorité aux déficits des régimes de retraite et ont réussi, dans certains cas, à récupérer des sommes au moyen d’autres démarches de réclamation. Par exemple, dans le cadre de la procédure engagée en vertu de la LACC contre Sears, trois réclamations ont été présentées contre les anciens directeurs de Sears et d’autres parties par divers intervenants (y compris l’administrateur du régime de retraite de Sears pour le compte des participants en ce qui a trait au déficit du régime de retraite) alléguant que des dividendes déclarés avant les procédures en vertu de la LACC étaient une opération sous-évaluée. Des revendications ont également été faites à l’endroit de certaines parties pour violation du devoir fiducial, manquement à l’obligation de diligence, oppression et complot. Deux règlements ont été conclus, lesquels permettront de réduire le déficit du régime de retraite de Sears. Toutefois, les retraités de Sears sont toujours fortement touchés par la procédure d’insolvabilité.

Le Sénat et les prochaines étapes

Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie.Le projet de loi C-228 a fait l’objet d’une deuxième lecture au Sénat le 14 décembre 2022, et il a été soumis au

Une fois le rapport du Comité sénatorial permanent déposé, la prochaine étape consiste à ce que le Sénat en fasse une autre lecture. Si le Sénat adopte le projet de loi sans y apporter d’amendements, la Chambre des communes en sera informée, et en général peu de temps après, le projet de loi recevra la sanction royale. En revanche, si le Sénat apporte des amendements au projet de loi, il se peut que son adoption soit retardée.

La sanction royale est accordée une fois que la même version du projet de loi a été adoptée par la Chambre des communes et le Sénat. Les amendements relatifs à la superpriorité prendront effet quatre ans après l’entrée en vigueur de la loi. Quant à l’autre disposition du projet de loi C-228, prévoyant des rapports annuels de solvabilité, elle entrera en vigueur dès sa sanction royale, telle que précisée dans la loi, ou à une date établie par le gouverneur en conseil.

Comment envisage-t-on l’avenir?

L’adoption du projet de loi C-228 aura une incidence sur l’ordre des paiements en cas de faillite ou d’insolvabilité de sorte que certains passifs non capitalisés ou déficits de solvabilité d’un régime de retraite seraient payés avant d’autres créances. Cette exigence risque également de créer un effet notable sur le degré de solvabilité des promoteurs de régimes PD et pourrait les amener à envisager de modifier la capitalisation de leur régime PD et leur stratégie de gestion des risques.

[1] La prépondérance fédérale est une doctrine constitutionnelle permettant de trancher en cas de conflit entre une loi fédérale et une loi provinciale. Par conséquent, si une loi provinciale édictée de façon valide diffère de la loi fédérale, elle pourra être déclarée inopérante dans la mesure de cette incompatibilité.

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